Rebelle (Brave), film d’animation par les réalisateurs Andrews et Chapman (2012)

NB : Ceux qui ont traduit le titre pourtant bilingue Brave “une histoire de courage” en Rebelle “un récit d’adolescence” méritent des baffes.

Résumé : La jeune princesse Mérida aimerait prendre son indépendance, mais sa mère la reine a du mal à le comprendre. Lorsqu’elle organise le mariage de sa fille sans la prévenir, cette dernière prend une résolution drastique pour pouvoir rester libre.

Rebelle (Brave), film d'animation par les réalisateurs Andrews et Chapman
Grâce au DVD, vous pourrez admirer les boucles de Mérida en HD.

On sent bien que le cinéma d’animation digital est entré dans une nouvelle ère depuis quelques temps et cela se remarque beaucoup dans ce film, qui est visuellement sublime. Les paysages, les textures, les mouvements sont très beaux, et même si je grimace encore souvent devant la fluidité peu vraisemblable de certaines choses (telles que la chevelure vaporeuse de Merida), j’ai été ravie par la beauté de Brave.

Les musiques ne sont pas mémorables mais agréables à entendre.

L’histoire ne m’a pas transportée, mais elle reste appréciable en cela qu’elle se penche pour une fois sur la relation mère-fille, en laissant cependant (et regrettablement) le père (et le reste des hommes) à l’écart. Malgré quelques clichés tels que la scène du corset ou le fait que la mère de Mérida soit aussi tatillonne sur les bonnes manières, l’indépendance de Mérida qui n’est pas critiquée en soi ou associée à l’idée de “garçon manqué” fait du bien au féminisme.

En effet, l’opposition entre Mérida et sa mère s’articule sur le désir d’indépendance de Mérida s’opposant à la rigidité de sa mère. Sans être abusive, la mère de Mérida a perdu de vue que sa fille peut très bien tracer sa route sans suivre les conventions sociales et surtout sans imiter ce qu’elle a fait elle-même. De son côté,  Mérida est trop jeune et surtout trop impulsive pour comprendre que sa mère, la reine, est celle sur qui repose l’ensemble du royaume (voyons les choses en face : son mari est sympathique, mais il ne l’aide pas beaucoup).

Ce film transpose les tensions d’aujourd’hui, où les femmes cherchent à se donner une nouvelle identité dans un monde où elle sont plus libres, tout en ayant du mal à se démarquer de l’image de “princesse parfaite” qui a longtemps été monté en idéal dans l’imaginaire populaire. Où trouver ses marques sans tomber dans l’excès, c’est-à-dire, devenir un ours sauvage ?

Mérida cherche à concilier cet entre-deux, à conserver sa féminité tout en étant libre, indépendante, combattive, déterminé, bref, elle-même. C’est difficile à faire quand on vous répété toute votre vie que pour être une “vraie femme” il fallait être propre, soigneuse, avec de bonnes manières, et surtout vous marier. Mérida montre qu’elle peut très bien être une vraie femme à sa façon et, mieux encore, le film montre que les hommes ont également le choix : ce sont leurs parents (la tradition), qui les forcent à faire des choses dont ils n’ont pas envie (se marier), mais ils ont le choix, et le prouvent en décidant justement de ne pas chercher à épouser Mérida.

Brave montre à ce moment que les parents (la tradition) ne sont pas si fermés que cela au changement puisqu’ils écoutent leurs enfants et finissent pas accepter leur décision. Bon, évidemment, dans le cas de Mérida et de sa mère, il a fallu frôler la tragédie, mais en soit, tout se résume assez simplement : l’ennemi principal des relations humaines, qu’elles soient parentales ou sociales, est le manque de communication.

Malgré un message intéressant et pour l’instant relativement unique (le cinéma a selon moi encore du mal à se pencher sur les histoires féminines de manière pertinente et intéressante), Brave reste assez confus. Si on fouille un peu, on se rend compte que c’est un conte initiatique pour femmes, ce qui est rare (en fait inexistant à ma connaissance).

Mais ce film est confus parce qu’il reste indécis. Est-ce une aventure ? Oui, puisqu’on explore de nouveaux mondes. Mais cet univers médiéval reste familier. Le récit est-il héroïque ? Assez, mais l’ennemi final est achevé grâce à un bloc de pierre et non pas l’épée. Cela indiquerait du réalisme, mais le reste de l’histoire ne l’est absolument pas. Est-ce une quête initiatique ? Bien sûr, mais comme ce n’est pas Mérida qui tue l’ours Mord’u (la bestialité) mais sa mère, elle n’achève pas de prendre son indépendance et reste sous sa protection. Est-ce une histoire féministe ? Peut-être, et pourtant les femmes armées n’ont eu le droit de tuer personnes de leurs armes. En plus, les hommes sont entièrement mis à l’écart, et la séparation homme/femme d’autant plus marquée, au lieu de réconcilier les êtres humains dans leur humanité. Donc, une histoire de femmes plus qu’une histoire féministe.

Ajoutez à ce film quelques incohérences : pourquoi Mérida fait-elle confiance à une sorcière, et surtout, pourquoi ne cherche-t-elle pas à savoir en quoi le sortilège qu’on lui offre va changer sa mère ? Pourquoi le film parle-t-il de “changer son destin” alors qu’il s’agit en fait de “changer la relation que l’on a avec sa perception du destin” ? Pourquoi Mérida ne parvient-elle pas à s’émanciper si c’est une quête initiatique ? Pourquoi est-ce une quête initiatique si la seule chose que les protagonistes comprennent mieux à la fin est la vision de l’autre et non eux-mêmes ?

*

Je considère Brave comme un pas en avant dans le cinéma en cela qu’il a fait l’effort de proposer une quête initiatique féminine, mais je pense aussi que ce film n’est pas aboutit parce qu’il est confus et ne sait pas lui-même quelle réponse donner. Quelle place occupe la femme dans notre monde si elle n’est ni une reine ni un ours sauvage ? Mérida n’est pas la réponse, puisqu’à la fin du film elle a encore besoin d’être protégée par sa mère et reste par conséquent une enfant.  Comment situer la femme par rapport au reste de l’humanité sans mettre les hommes à l’écart ? Dans ce film, les hommes et les femmes semblent évoluer dans deux mondes distincts, deux “bulles” qui cohabitent sans se comprendre, sans former le “tout” de l’humanité.

Brave met le doigt, peut-être involontairement, sur un débat actuel important de notre société, où le rôle de la femme change mais ne renouvelle pourtant pas encore ses modèles : à qui peut s’identifier la femme de demain ?

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