Journey, jeu vidéo de Jenova Chen (2012, USA)

L’art de raconter des histoires n’est pas l’apanage des livres ni des films. Donc aujourd’hui… je parle de Journey, qui a changé ma vision du jeu vidéo. Pour tout dire, c’est à cause de ce jeu que j’ai acheté ma PS3. (Et pour Mass Effect, mais je vise aussi bien qu’une autruche borgne donc je ne l’ai pas terminé).

Tout a commencé lorsqu’un de mes meilleurs amis m’a invité chez lui pour y jouer… Je l’ai prévenu que je n’avais pas entraîné mes pouces opposables à appuyer répétitivement sur des boutons, il m’a dit que ce n’était pas important, et il avait raison. Il a passé l’heure suivante (c’est un jeu très court) à me regarder jouer —et ce n’est que vers la fin, lorsque j’ai compris ce que cette histoire voulait me transmettre— que j’ai aussi compris que mon ami était un gentil sadique.

Depuis, j’invite tous mes proches à essayer Journey, en les fixant tout du long comme un poisson rouge. Chacun ses traditions.

Le jeu : vous êtes lâché dans le désert avec votre manette et votre cerveau, sans indications explicites. Pas besoin d’être un génie pour comprendre que le but du jeu est de se rendre au sommet de la montagne : il n’y a pas d’autres endroits où se rendre. Mais Journey est conçu pour vous guider et, à moins d’être un petit malin comme frère qui, en voyant l’unique tour dressée dans le plat désert, a décidé de se rendre précisément à l’opposé (et s’est fait botter le derche par un vent virtuel), il suffit de suivre le mouvement.

Guidé par des indices visuels tels que des ruines ou par des créatures volantes, votre personnage voyage au travers de paysages désertiques dans un chatoiement de couleurs. Vous trouverez des fresques sur votre chemin, et chaque fin de niveau déclenche une cinématique censée clarifier la raison de votre périple… mais cela reste assez flou et rien n’est plus amusant que d’écouter les interprétations d’un nouveau joueur (ma soeur affirme qu’on suit l’histoire d’un peuple qui a voulu cultiver des cactus tandis que mes amis parisiens remarquent immédiatement des ressemblances avec les problèmes de métro).

L’intrigue est cependant simple et clairement affichée dans le titre : il s’agit d’un voyage. Ce jeu très immersif cherche avant tout à susciter des émotions et à nous plonger dans un état de « flow* », c’est-à-dire à nous maintenir loin de l’ennui et de l’anxiété pour nous faire vivre une expérience unique. En dépouillant l’écran de tout ce qui rappelle qu’il s’agit d’un jeu vidéo, par exemple en utilisant l’écharpe du personnage pour signifier sa barre de mana et de vie, Journey réussit à nous faire oublier que nous jouons.

Pour en apprendre plus sur le concept de flow, je vous conseille cette vidéo de Luc A :

Chaque niveau modifie le gameplay de manière à rester intéressant et à nous faire découvrir le jeu sous un nouvel angle : la jubilation de voler au-dessus des dunes ou de surfer dans le sable brûlant, la joie de trouver un compagnon de voyage mutant raie manta / méduse / tapis volant, la satisfaction de délivrer des poissons-écharpes reconnaissants… Le jeu a beau être simple, sa fin est méritée par la frustration qu’on éprouve durant la lutte contre le vent des niveaux précédents.

C’est un jeu de coopération dans lequel on cherche à aider ou être aidé. La possibilité de jouer en ligne, en binôme avec une personne inconnue, rajoute un degré d’émotion en nous faisant partager ce voyage avec quelqu’un dont la présence nous donne littéralement plus de forces pour progresser durant les épisodes enneigés. On ne peut communiquer que par un cri et finit par ressentir de la sympathie et même de l’attachement envers cet ensemble de pixels. Peut-être que notre coéquipier était en train de hurler dans son salon en maudissant notre incompétence : qu’importe, son petit « pouic pouic pouic » à l’écran nous redonne du courage, et la volonté de le protéger contre les vilains requins mécaniques. Ce jeu n’est qu’amour et paillettes de sable dans les yeux.

Visuellement, il reste simple mais magnifique. Des dunes chaleureuses aux sommets glacés, ce jeu nous fait traverser des paysages sublimes. La texture du sable est splendide, et le jeu s’amuse constamment à contraster les milieux terrestre, aérien et aquatique en nous permettant de nager dans l’air, voler dans l’eau ou surfer sur le sable… On est transporté par l’impression de légèreté quand on vole, et vraiment écrasé par la sensation de pesanteur lorsqu’on lutte contre le vent. La musique renforce chaque ambiance.

*

Ce jeu vidéo existentiel livre sa propre interprétation de la vie et du voyage que nous partageons tous. Facile à jouer, il est idéal pour un débutant qui manie mal la manette mais plaira aussi aux gamers confirmés. Pour moi c’était une révélation sur le jeu vidéo : ce support est également capable de transmettre une vision du monde et des émotions intenses !

Je vous laisse avec ma chanson préférée du jeu !

http://www.youtube.com/watch?v=rkRAAiJnXCE

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