Lady Susan, roman épistolaire de Jane Austen (1871)

Jane Austen est très connue pour Orgueil et Préjugés, dans lequel elle se moque des moeurs maritales et amoureuses de son époque. J’ai été surprise de découvrir qu’elle avait également rédigé, à seulement dix-neuf ans, un roman comparable aux Liaisons Dangereuses de Laclos.

Résumé : Une veuve manipulatrice séjourne quelque temps chez des parents éloignés. Par ennui et par plaisir, elle séduit le frère de son hôtesse, au grand dépis de cette dernière.

Lady Susan
Un bon petit roman que j’ai découvert en format audio.

L’intrigue de ce roman court tient de l’anecdote. Simple et construite, elle demeure intéressante malgré la trivialité apparente du sujet. On est fasciné par la personnalité égoïste et affirmée de Lady Susan, tout autant que son mépris pour sa fille nous dégoute. On s’amuse comme elle de la crédulité de sa proie, Réginald, qui n’écoute pas les conseils de sa soeur et, lorsqu’il prend conscience de ses erreurs, ne les admet jamais.

Jane Austen nous plonge encore dans l’intimité des femmes nobles de son époque, dont l’existence dépend des hommes et qui sont donc obsédées par l’idée de faire un bon mariage, ou de bien marier leurs enfants. Cette société qui dépouille les femmes nobles de toute autonomie est terrifiante. Seule la veuve Lady Susan peut agir comme bon lui semble, puisqu’elle n’est plus sous la tutelle d’aucun homme, et on la voit profiter de cette liberté avec bonheur. Cette société très patriarcale, qui met les épouses à la merci de leur mari, produit des femmes légitimement intéressées et manipulatrices, leur sort dépendant entièrement de l’homme qu’elles auront pu « capturer ». Les hommes sont donc un objet de convoitise, des partis qu’on s’arrache et s’envie, bien qu’il reste difficile de les plaindre puisque leur propre soif de pouvoir et de domination est à l’origine de cette situation.

Les hommes sont dépeints comme égoïstes ou sous la coupe de leur épouse. Ils cherchent à séduire, trompent mais se plaignent d’être  trompés et, tout en laissant leur épouse gérer chaque aspect du foyer et de leur existence, ont toujours le dernier mot lorsqu’il leur plait de prendre une décision. Ils se montrent également imbus d’eux-mêmes et de leur supériorité, qui les pousse à ignorer des conseils pleins de bon sens lorsqu’ils sont émis par une femme.

Les personnages sont triviaux, souvent hypocrites et constamment faux. Pour respecter les convenances, ils ne révèlent jamais leurs sentiments véritables et s’expriment à mots couverts. Seule l’amitié entre Lady Susan et Alicia paraît honnête, car les deux femmes se révèlent leurs machinations et s’aident sans arrière-pensées.

J’ai été surprise que la fin soit si favorable à Lady Susan. Je m’attendais à ce que la morale de l’époque oblige Jane Austen à punir ses incartades, alors qu’on la voit au contraire récompensée de ses efforts et tout aussi maîtresse d’elle-même qu’au début. Cela semble délicieusement amoral dans cet univers où la morale sert bien plus de façade que de véritable code éthique. La veuve triomphe, libre de ses choix, alors qu’elle n’était lors de son premier mariage qu’un pion pondeur, comme toutes les femmes de sa condition.

Sans la plume de Jane Austen, je ne sais pas si cette histoire serait aussi intéressante. C’est sa manière si particulière de manier les sous-entendus qui amuse, cette façon subtile de tourner ses phrases de manière à ce que, sous leurs semblants précieux et amicaux, on perçoive un sens moqueur, méchant ou perfide. Je me demande ce qu’en donne son adaptation cinématographique Love and Friendship (2016).

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Conclusion : un roman court, simple et surprenant, rédigé avec moins de sarcasme que les oeuvres suivantes mais déjà plein d’ironie. Une lecture divertissante pour les amateurs de l’époque ou du style de Jane Austen.


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