Mulholland Drive, thriller fantastique de David Lynch, 2001

Suite à un accident sur Mulholland Drive, une femme perd la mémoire. Pour la retrouver, elle va devoir partir à la recherche de son passé, ce qui pourrait bien s’avérer dangereux, voire mortel…

Mulholland Drive poster
C’est un ami fan de Lynch qui m’a fait découvrir l’univers onirique de ce film.

Dans le fond et la forme, je n’ai pas de critique négative à formuler sur ce film. Je n’avais pas frissonné comme ça depuis… je ne sais plus quand. Il parvient à mettre mal à l’aise, à déclencher de la méfiance sans qu’on puisse vraiment comprendre pourquoi au début ; puis il s’explique de manière assez satisfaisante. Les personnages semblent humains, ni bons ni mauvais, et la performance des acteurs est éblouissante (surtout celle des actrices). Je n’ai rien relevé de sexiste, sinon une critique de ce phénomène, mais j’ai été particulièrement angoissée par cette dernière, qui comprend énormément de scènes de violences envers les femmes et les présente comme faibles et vulnérables.

Car ce film débute en se montrant terriblement angoissant. Visuellement, musicalement, dans la manière de jouer des acteurs, dans la manière de filmer… Comme dans les meilleurs films d’horreur, rien n’arrive, et pourtant on redoute le pire. Toute la première partie du film est un thriller, avec des meurtres, des personnages “mafieux”, des interrogations et une lourde atmosphère de mystère. Les maquillages sont impeccables, la mise en scène et le jeu des acteurs troublants, et déjà, on sent que quelque chose ne tourne pas rond.

Dans la deuxième partie, si l’on peut dire, ce n’est plus un thriller, ni un film, mais une anecdote, une tranche de vie. Les personnages et les décors sont moins évidemment travaillés, plus réalistes -ce qui est très cohérent avec l’action. Certains films vous abandonnent frustrés et pleins d’incompréhension. Celui-ci donne assez de clefs et d’indices pour qu’on puisse reconstruire le puzzle, restant cependant discret lorsqu’on n’est pas sur le qui-vive : quelques scènes et dialogues stéréotypées, une perruque qui nous rappelle quelque chose…

A partir de maintenant, changez d’onglet si vous ne voulez pas de spoilers ! Il est impossible de parler de ce film sans en faire. Voici d’ailleurs un nouveau résumé qui en comporte : suite à un accident de voiture, une femme se réfugie chez Betty, jeune actrice qui rêve de conquérir Hollywood. Ensembles, elles partent à la recherche de la mémoire de “Rita”, qui semble être en danger, peut-être même poursuivie par une sorte de mafia du cinéma. Mais nous finissons par comprendre qu’en réalité tout ceci n’est que le cauchemars de Betty, en fait prénommée Diane, qui ne parvient pas à faire face à ses actes : elle a en effet fait assassiner Rita/Camilla, qui l’a abandonnée pour le réalisateur de leur film.

S’il fallait trouver un film conducteur à ce film, je parlerai de revanche. Une revanche prise sur la réalité, sur une vie médiocre que l’on rêvait grandiose, sur l’échec du rêve hollywoodien d’une actrice qui voulait réussir et n’est parvenue qu’à décrocher des seconds rôles. Non seulement elle n’est pas parvenue à impressionner son directeur de casting, mais elle vit dans une masure. Dans le rêve, elle vit au contraire dans un appartement immense et joue si bien qu’elle est immédiatement repérée par une agent.

Diane prend également sa revanche sur la société sexiste qui l’entoure et l’oppresse : les hommes qui décident du casting et des films en petits comités, les hommes qui se collent à vous sans préavis, les hommes qui battent ou étranglent ou tirent sur et assassinent les femmes. Et ceux qui séduisent votre amantes (Non, vraiment. Les hommes de ce films sont tous d’affreux jojos. Le pire étant que cela ne fait que refléter la société actuelle, bref.).

Le film explore également les rapports d’amour et de haine entre Diane et Camilla. Diane débute en jeune première innocente, mais son amour pour Camilla et l’amertume développée par son échec artistique se transforment en jalousie. Dans le rêve, Camilla est amnésique, vulnérable et dépendante de Diane. Dans la réalité, elle est autonome et souvent cruelle, bien qu’elle l’ait aidée à obtenir des rôles. C’est à la fois sa jalousie et son amertume qui poussent Diane à la folie et au meurtre. L’aspect lesbien de leur relation n’est pas développé en tant que tel : c’est l’histoire d’un crime passionnel entre deux personnes, comme tant d’autres.

*

Comme ce film déclare “this is the girl”, je dirais “this is the film”. Remarquablement maîtrisé, remarquablement perturbant, cohérent dans le chaos, ce film est un must watch. C’est une expérience cinématographique unique, et il vous changera sûrement.

Pour aller plus loin, voici un article très complet décryptant Mulholland Drive -à lire après avoir vu le film ! Mulholland Drive : La Clef des Songes.

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