The Necessary Death Of Charlie Countryman, thriller amoureux de Fredrik Bond (2013; Romania, USA)

A la mort de sa mère, Charlie décide de s’installer à Bucarest en Roumanie ; là il rencontre et tombe sous le charme de Gabi, une talentueuse violoncelliste. Malheureusement pour lui, l’ex de la jeune femme est encore très amoureux d’elle… et c’est un truand que rien n’arrête.

The Necessary Death Of Charlie Countryman, poster

L’intrigue est à la fois un thriller, une histoire d’amour, et une sorte de quête initiatique. L’aspect policier se résume vite : Nigel revient à Bucarest à la mort du père de Gabi pour récupérer une vidéo très compromettante qu’il utilisait pour l’éloigner. C’est parce qu’il vient en parler à Gabi que Nigel rencontre Charlie, qui a de plus la mauvaise idée de lui raconter plus tard qu’il a vue la vidéo. A partir de là, c’est un homme mort -ou du moins le serait si Nigel ne laissait pas plusieurs chances à Gabi de lui sauver la vie.

L’histoire d’amour comporte trois protagonistes et une intrigue parallèle. Charlie et Nigel sont en effet fous amoureux de la même femme. Ils rencontrent tous deux Gabi lors d’une expérience traumatique : Charlie vient de perdre sa mère et décide de déménager, Nigel est grièvement blessé et près de mourir. Dans les deux cas la coïncidence relève pour eux du destin, les pousse à s’accrocher à Gabi comme à une bouée de sauvetage ; Nigel va jusqu’à dire qu’elle lui a sauvée la vie.

Ils sont tous deux prêt à risquer leur vie pour elle. En effet, alors que Gabi vient de mettre fin à leur histoire (Evan Rachel Wood fait  alors un travail extraordinairement subtil pour montrer qu’elle ment pour le protéger), Charlie décide de tout de même affronter son rival, qu’il sait tout à fait capable de meurtre à ce moment de l’histoire. Nigel laisse quand à lui le choix entre Charlie et lui-même lorsqu’il tend son révolver à Gabi à la fin du film : il sait pertinemment qu’elle peut le trahir, peut-être même le tuer, on voit la crainte et le doute dans le jeu d’acteur de Mikkelsen à cet instant. D’ailleurs, lorsqu’elle l’abandonne, il l’accepte et “meurt par amour”, ce qui était l’intention de Charlie en l’affrontant ; je ne me rappelle pas avoir vu un personnage aimer avec autant d’intensité et d’abnégation que Nigel.

Charlie et Nigel ont donc des personnalités très similaires, passionnées, impulsives et jusqu’au boutistes -sauf que Charlie ne tue pas des gens dans son temps libre. De plus, Charlie ne connaît Gabi que depuis quelques jours, alors que Nigel l’a épousée. Pour moi, il a plus d’amour de la part de Nigel que de la part de Charlie pour Gabi, car l’un la connaît vraiment alors que l’autre s’y accroche dans un moment de sa vie où il a vraiment besoin de repères. Cependant, c’est ainsi que Nigel a rencontré Gabi -et par conséquent, Charlie pourrait très bien devenir un nouveau Nigel- c’est à dire un nouveau compagnon pour Gabi, mais sans la violence du précédent (ce qui pourrait expliquer le tout dernier sourire de Nigel, satisfait d’être mort par amour). Pour Gabi, il s’agit donc d’une nouvelle chance amoureuse, de repartir de zéro avec un homme qui lui plaît sans être un parrain mafieux.

Le dernier aspect de l’intrigue est la quête initiatique, ou plutôt la renaissance de Charlie après le décès de sa mère. En quelque sorte, il coupe définitivement le cordon. On en a une image presque trop explicite lorsqu’il émerge de l’eau où il est tombé, également couvert de sang, à la fin du film. Je pense que son amour soudain et intense pour Gabi est dû au traumatisme de ce décès ; Gabi est un moyen de reprendre pied plus qu’une personne à ce stade mais, contrairement à des histoires similaires de “Manic Pixie Girl” où un jeune homme sans but reprend goût à la vie grâce à une jeune femme fantasque, Gabi a une véritable individualité en tant que personnage. Elle vie en dehors de Charlie, ne l’aime pas autant que lui et n’hésite pas à questionner cet amour. Si elle lui sauve finalement la vie, ce n’est pas forcément parce qu’elle l’aime, mais tout simplement parce qu’elle veut montrer à Nigel qu’elle le quitte définitivement, et aussi parce qu’elle n’est pas de ceux qui tuent. Charlie et elles ont aussi une histoire parallèle, puisqu’ils se rencontrent suite au décès d’un de leur parent et obtiennent chacun une chance de s’émanciper pour commencer une nouvelle vie par le biais de leur relation.

Il y a d’autres thèmes à aborder en parlant de ce film, par exemple son côté onirique et l’utilisation de drogues, qui placent l’action hors du temps, “dans les limbes” comme dirait Nigel. Charlie flotte en effet entre deux eaux, se comporte de manière un tant soit peu suicidaire, ce qui correspond à l’état second dans lequel l’a plongé la mort de sa mère, et dans lequel il se trouve habituellement -il lui arrive régulièrement de s’imaginer parler aux morts par exemple. L’autre thème récurrent est le sexe, par exemple lorsque, drogué, Charlie imagine que toutes les femmes sont nues. Par contre, si cette scène là est amusante et traduit bien ce qui se passe dans sa tête à ce moment là, l’autre scène de nues, celle des danseuses de cabaret, vire à la complaisance et au voyeurisme -ce qui est simplement lourd, comme toujours lorsque la forme se détache stérilement du fond. Je crois que ce film est également censé être par moments drôles -certains situations le sont- mais je n’ai pas rit en le regardant, donc c’est à l’appréciation de chacun.

Mention spéciale pour la musique, variée, qui se veut délicate et légère, pop et dynamique, ou bien émotionnelle en jouant sur les crescendos. Mention spéciale également pour la photographique, qui joue beaucoup sur les contrastes de lumière, les ralentis, et la volatilité de certains plans -les volutes de sang dans l’eau, la poussière pastel dans un faisceau de lumière… Le mélange des deux apporte de la fraîcheur et du dynamisme au film, si bien que l’ensemble présente un aspect onirique (ou drogué) qui colle parfaitement au thème.  

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Un film riche en thèmes et en émotions, avec un trio de personnages principaux nuancés et une palette de situations intenses, souvent violentes, sanglantes ou sexuelles. Parfois voyeuriste (je ne le recommande pas à tous les publics), mais du reste intéressant à regarder et certainement émouvant, ce film cherche à proposer un contenu et une forme assez originales, pas éminemment innovantes mais tout de même bien sympathiques, avec une bande-son agréable et un côté conte de fée moderne, barbouillé de sang et de violence comme dans les vrais. Personnellement je l’ai assez aimé pour l’acheter en DVD !

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