La Belgariade, série fantasy de David Eddings (1982-1984)

Chaque Univers devrait être unique, mais celui de la Belgariade a subit une anicroche : il a deux futurs possibles. L’un deux mène au chaos et à la dévastation ; c’est l’avenir incarné par le dieu de l’Ombre, Torak. L’autre, la Prophétie de Lumière, rétablirait le monde dans son état originel. Pour que l’Univers retrouve son intégrité, ces deux options, les Prophéties, doivent s’affronter en duel, et l’une d’elle devra supplanter l’autre…

Livre 1, Le Pion blanc des présages : L’instant qui va décide de l’avenir de l’Univers approche. Cependant, un objet majeur de l’accomplissement de la Prophétie a été dérobé, et Belgarath le sorcier, ainsi que sa fille Polgara, doivent le retrouver. Ils emmènent dans leur quête le jeune Garion, un orphelin que Polgara a pris sous son aile, et qui ne comprend pas très bien ce qui se passe…

Livre 2, La Reine des sortilèges : Garion, les deux sorciers et la troupe qu’ils ont réunis courent toujours après l’artéfact volé. Cependant, et entre autres déboires, le fait que la reine des serpents s’intéresse de très, très près à Garion commence à lui mettre la puce à l’oreille : peut-être a-t-il lui aussi un rôle à jouer ?

Livre 3, Le Gambit du magicien : Cela n’a pas été facile, et leur a fait traverser la moitié du pays, mais la bande fini par récupérer l’Orbe d’Aldur. Cependant, ce n’était que la moindre des choses ! En effet, il reste désormais à accomplir le reste de la Prophétie…

Livre 4, La Tour des maléfices : Garion apprend enfin sa vraie place sur l’échiquier, et l’importance du rôle qu’il va devoir jouer. Alors qu’il part affronter son destin, le reste des opposants à Torak, incarnation de la Prophétie des Ombres, entreprend de faire diversion en levant des troupes au sud…

Livre 5, La Fin de partie de l’enchanteur : Mener une diversion militaire semble simple, lorsque vos ennemis ne se mettent pas subitement en tête de déjouer vos plans pour vous prendre en tenaille. Et affronter un dieu pour le tuer semble simple lorsque… oubliez ça. Comment peut-on seulement entreprendre d’affronter un dieu ?

 

 

La Belgariade, David Eddings
Il y a une suite à cette sérieLa Mallorée, mais je ne l’ai pas encore relue, donc je n’en ferai pas le commentaire ici. 

Intrigue : On pourrait croire que cette histoire est simple. Il est vrai qu’il l’est parfois trop. Mais en soit, la quête de l’Orbe suivie de l’accomplissement des Prophéties recèlent leur lot d’originalité. Par exemple, on peut y voir une réminiscence du Seigneur des Anneaux -la première étape consistant à amener l’Anneau/l’Orbe à Fondcombe/Riva, et la seconde menant à la destruction de Sauron/Torak. Cependant, La Belgariade ne se centre pas sur l’avènement des Hommes, mais sur leur place dans les rouages du destin.

D’autre part, les quêtes de La Belgariade donnent un prétexte pour explorer de très nombreuses civilisations fictives. Certaines parodies les jeux de rôle ou le Seigneur des Anneaux -les archers Asturiens sont des elfes écervelés, les Cheresques bons vivants sont des nains navigateur à taille de géants… et d’autres les romans de chevalerie -les chevaliers Mimbraïques ont autant de courage et d’absence de jugeote que main chevaliers de la fin’amor. Mais d’autres cultures plus originales sont évoqués -le peuple serpent, adepte du poison et des drogues, les dryades matriarcales, les malloréens invocateurs de démons… Chaque passage de frontière nous découvre un peuple, et fera le régal des explorateurs.

A ce propos, c’est l’un des rares livres de fantasy que j’ai lu jusqu’alors qui nous décrit de l’intérieur les rouages du fonctionnement de la magie. On apprend à l’utiliser avec le jeune apprenti de Belgarath, et c’est fun. Tout n’est pas très logique, mais reste vraisemblable, et jouer les sorciers en herbe a quelque chose d’infiniment satisfaisant -surtout quand l’apprenti en question, parfois aussi malin qu’une queue de poêle, l’utilise alors qu’il aurait mieux fait de laisser ladite poêle tranquille.

Finalement, l’intrigue n’est pas si linéaire qu’on l’imagine au départ. En lecteur blasé, on voit venir gros comme une maison géante l’inéluctable duel contre le “boss final” Torak. Sauf que ce n’est pas si simple. Quelques coups d’épées ne suffiront pas. Apprendre la magie ne suffira pas. Et ce n’est que pas à pas, comme Garion en fait, que le lecteur prend conscience de la véritable épreuve à surmonter, et de la nature du véritable duel. Alors bon, il y a des effets spéciaux très hollywoodiens, où les combattants sont laissés seuls dans l’arène d’une bataille battant son plein, mais au final, l’achèvement de l’intrigue est plus développée, et bien mieux amenée que ce qu’on pouvait imaginer -ce livre n’a de cesse de nous surprendre.

Personnages : Personnellement, j’aurais désiré des personnages un peu plus réalistes et développés, mais c’est parce que je les aime bien, et que je n’aurais pas rechigné à en lire encore des pages. Le lecteur rencontre une myriade de personnages haut en couleur, dont il parvient généralement à retenir les noms -c’est dire s’il sont reconnaissables. Nombreux sont à première vue proche de la caricature de RPG -le paysan, la sorcière guérisseuse, le magicien, le voleur, le guerrier, le paladin, l’elfe… mais tous ont droit à une histoire personnelle, plus ou moins développée, et plus ou moins flatteuse. Tous possèdent quelques travers ridicules, et des qualités émouvantes. On commence par en trouver certains insupportables, et se prend soudain à les aimer. Au final, on passe sur les inconsistances du style et de l’intrigue parce qu’on s’attache à eux.

Philosophie : Ce que j’aime dans la Belgariade, c’est que c’est un roman humain, centré sur des personnages banaux, ridicules, ou pathétiques, mais que l’on fini par apprécier, admirer ou plaindre, malgré tous nos a priori et nos préjugés. C’est une histoire qui nous apprend à voir au-delà des apparences, et à trouver un semblable dans un Homme d’une autre culture, qui prodigue un enseignement universel de tolérance. Le Seigneur des Anneaux est focalisé sur l’épopée et la victoire épique du “bien” sur le “mal” grâce à l’espoir, le sacrifice, et un héroïsme quelque peu chrétiens. La Belgariade s’intéresse au contraire à des individus très humains, égoïstes et souvent malhonnêtes, ou le “bien” et le “mal” sont de plus en plus remis en question au cours de l’histoire, et où gagner par le meurtre n’est pas synonyme de victoire totale.

A part les Murgos, qui sont marqués comme “méchants” de bout en bout du livre, tous les ennemis potentiels passent par un moment d’humanité, voire de rédemption. L’égalité des êtres vivants est d’abord abordée par le biais de la parité. En effet, les femmes acquièrent une importance et un pouvoir accru au cours de l’histoire, bien que le machisme ambiant limite encore leurs actions. Polgara est d’ailleurs la personne qui détermine l’issu du combat final. Et comme les hommes, généralement présentés comme de grosses brutes soiffardes et malhonnêtes, les femmes se font tirer la caricature, et semblent globalement versatiles, manipulatrices, et obsédés par les apparences. Des deux côtés, ces généralisations semblent à la longue agaçantes, mais heureusement, cela ne concerne pas tous les personnages.

Ensuite, l’Homme est remis à sa place lorsque son rôle mineur dans l’Univers est mis sur le tapis -notamment par le biais de Poledra, la louve qui n’a pas eu de mal à devenir elle-même sorcière. La théologie en prend un coup lorsque des siècles d’élucubrations savantes sont démolies par une apparition divine de quelques minutes à peines, et grâce à la remise en question de Relg, le fanatique qu’on déteste au premier abord, et commence à prendre en pitié, puis en affection, au fur et à mesure de son évolution. Le message global est simple : rien n’est simple. Les gens ne sont pas simplement “gentils” ou “méchants”, et ils ne faut pas se fier aux apparences.

Le style est reconnaissable, simple, concis et généralement amusant. Je lui reprocherait le fait qu’il décrit plutôt qu’il ne montre, expliquant les situations et les sentiments des personnages au lieu de nous les faire ressentir ; cela nuit souvent au texte -on a l’impression qu’il nous prend un peu pour des nouilles- mais l’histoire reste parfaitement lisible malgré cela. D’autre part, cela a tendance à uniformiser par moment les personnages, en leur donnant à tous le même type d’humour. Je dirais donc que l’écriture n’est pas transcendante, mais qu’elle est cependant parfaitement intelligible, amusante, voire innovante, et à vrai dire bien meilleure que celle de la plupart des livres de fantasy que j’ai lus. NB : J’ai lu ces livres en français, donc je ne peux pas juger leur qualité stylistique anglaise. J’ai parlé de la plume d’Eddings au travers de sa traduction par Dominique Haas.

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Une épopée facile à lire, concise dans sa manière de présenter les choses, amusante, surprenante, divertissante, et qui donne des pistes de réflexion intéressantes -quoique sans les approfondir. Je reste un peu sur ma faim et la lisant, et je regrette que le style ne soit pas plus élaboré, mais La Belgariade reste un de mes romans de fantasy préférés, et je la recommande à tous ceux qui aiment ce genre ou sont à la recherche d’une lecture divertissante.

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