Tony Stark, le milliardaire génial qui endosse parfois l’armure hyper technologique d’Iron Man pour aider les USA, a du mal à se remettre de sa rencontre avec des aliens et des dieux qui le remettent à sa place d’humain insignifiant et vulnérable dans l’univers. Alors qu’il se replie derrière son armure, des attaques terroristes revendiquées par “le Mandarin” le forcent à dépasser ses limites.
Je m’attendais à un blockbuster pas forcément exceptionnel après le dernier opus qui m’a laissée froide. J’ai eu un blockbuster. Il était exceptionnel. Et voici pourquoi.
L’atmosphère du film revient aux sources des comics comme l’a fait le récent reboot de Spiderman : nous avions eu un Spiderman plus vulnérable et plus moqueur, nous avons eu un Iron Man beaucoup plus humoristique. Rien que la scène de fin, celle que les plus patients pourront voir après le générique, place l’intégralité du film au niveau d’une immense plaisanterie faite par Marvel et Tony au spectateur, et amusera les fans de The Avengers. A aucun moment le film tente d’apitoyer ou de tirer une larme, notamment lors de la classique “mort-résurrection” d’un personnage clef. D’habitude, on a droit à une scène émotionnelle tournée au ralenti, des larmes dans le salon et les violons derrières, suivi d’un soulagement feint lorsque le “mort” ouvre les yeux. Cette fois-ci, le zombie revient sans pleurs, terminant ce que Marvel avait commencé dans The Avengers : mettre fin à cette scène insupportablement cliché en se la réappropriant et en la réinterprétant de manière cohérente avec l’esprit du film. Merci Marvel.
Claire mais pas simpliste, l’intrigue part des personnages et les met à l’épreuve. Tony Stark sans son armure, est-ce toujours Iron Man ? Un super-héros sans super-pouvoirs, est-ce vraiment un super-héros ? Ce film répond en donnant sa recette personnelle de l’héroïsme : pas de super pouvoirs, pas d’armure, pas de milliards en banque ; de la persévérance et du courage. Le héros vainqueur sait en outre utiliser ses propres qualités et a quand mal pas mal de chance (merci deus ex machina !). Tout cela est décrit simplement en guise de conclusion sans que cela paraisse moralisateur, sans doute parce que ce n’est qu’un résumé de ce qui vient d’être montré à l’écran.
Je me dois de faire une mention spéciale du fait que, dans ce blockbuster grand public, un message auto-critique soit directement adressé américains. Une critique de l’Axe du Mal (this is huge people, this is HUGE). L’Axe du Mal, rappelons-le, a été créé durant la Guerre Froide pour désigner la Russie en tant qu’ennemie suprême des USA ; cet axe de communication (de communication, oui ; on est bien d’accord pour dire que les russes, mêmes les russes de l’URSS, sont des humains comme tous les autres, pas “le Mal”) a été repris plus tard par Bush Junior après les attentats du 11 septembre pour appuyer ses décisions militaires. C’est un mythe encore très vivant aux USA, et ce film le dénonce. Il le dénonce en tant que tel, en tant que projet marketing permettant de justifier des guerres hors frontières (comme la guerre en Irak, parodiée dans ce film en guerre où on trouve des tisseuses clandestines là où devaient se cacher des armes de destruction massive), en tant que campagne de communication poussant sur le devant de la scène un homme de paille (ici, faisons le rapprochement entre les (physiquement ressemblant) Mandarin et Ben Laden qui, bien que dangereux tous les deux, sont avant tous les figures de proue d’un mouvement belliqueux, à la fois moteur et cible, non le mouvement lui-même). Donc, pour en revenir à ma critique saine et sereine de cet aspect du film : c’est ENORME. Cela indique que certains médias américains sont en train de sortir du mythe. De s’éloigner du 11 septembre. De passer à autre chose… de moins USA-centrique ?
Depuis The Avengers, Tony Stark a mûri. Ce n’est plus l’enfant gâté des premiers films. En manquant de mourir dans The Avengers, en prenant conscience de l’ampleur de son ignorance face à un monde nouveau dont il ignore tout (dont Asgard), et en comprenant à quel point il tenait à certaines choses, ou plutôt personnes, il s’est remis en question. Iron Man 3 nous propose le dénouement de cette remise en question. Tony est mis deux fois à l’épreuve, et ses motivations croissent en conséquences : d’abord la vie de l’un de ses amis est menacée, et il réagit avec emportement, insolence et un brin d’égocentrisme ; mais déjà, il réagit parce qu’il tient à la personne blessée. Lorsque Pepper est mise en danger, il réagit selon sa personnalité, mais de manière pragmatique et rationnelle : finis les enfantillages. On sent que l’évolution du personnage arrive de loin.
Le reste des personnages secondaires n’est pas mis de côté. Peut-être parce que ces personnages ont été introduits et développés dans les précédents films ; en tous cas, ils n’hésitent pas à utiliser leur temps à l’écran, à approfondir leurs liens entre eux et avec Tony. Pas d’histoire d’amour en fleur, donc plus de temps pour l’intrigue principale, et plus de place pour de vrais sentiments. On n’assiste pas non plus au baiser-récompense stéréotypé lorsque Tony sauve enfin Pepper (si on peut dire), juste une embrassade, plus significative car plus intime, et puisque sauver la personne qu’on aime est une récompense en soit. C’est le deuxième cliché hollywoodien que Marvel démonte dans ce film ; l’équipe était en forme !
Au niveau du traitement des personnages féminins, d’ailleurs, on retrouve la demoiselle en détresse (Pepper) et le demoiseau en détresse (le président). Sachant que Pepper se débrouille très bien toute seule, et qu’au final seul le président pendouille dans le vide comme un inutile (mais puisqu’il a été dénoncé comme pratiquant du favoritisme corrompu, on ne s’intéresse pas tant que cela à son bien être). Encore un cliché qui saute, BAM ! Et pour parfaire le combo, Marvel dénonce enfin la pratique de “l’enlèvement de la copine du héros” comme ce qu’elle est : non de l’amour ou du désir pour une personne, mais la recherche d’un “trophée”, d’une preuve de victoire contre son ennemi. Mais comme Pepper est loin d’être une femme objet elle démontre avec brio à quel point elle est courageuse et persévérante, sans se départir de sa personnalité : n’étant pas particulièrement agressive physiquement, elle s’étonne de la violence de sa colère contre celui qui a tenté de l’assassiner elle ainsi que Tony.
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Iron Man 3 regorge de remises en questions : remise en question des clichés monotones (mort-résurrection d’un personnage clef) ou sexistes (baiser-récompense, demoiselle en détresse, femme trophée), remise en question du Mythe Américain et de l’Axe du Mal (Iron Man vs Iron Patriot). Serait-ce un renouveau du cinéma hollywoodien qui s’annonce, comme les derniers James Bond ou Batman semblent l’indiquer ? En tous cas, c’est un très bon moment de divertissement !
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